Papier Masson

Buckingham en 1906

 

Les racines dans l’histoire industrielle de l’Outaouais

Au confluent de la rivière du Lièvre et de l’Outaouais, là où les eaux se rejoignent depuis des millénaires, se dresse depuis près d’un siècle une usine qui témoigne de l’évolution industrielle de la région. Papier Masson est un acteur majeur qui a participé à façonner l’identité économique et sociale de Masson-Angers et de la vallée de la Basse-Lièvre.

Papier Masson réinvente l’industrie des pâtes et papiers. L’usine de Gatineau est un laboratoire de créativité à l’avant-plan, reconnue parmi le top 3 mondial sur le plan de l’efficacité. Détentrice de l’un des plus grands procédés de mise en pâte thermomécanique à chaîne unique au monde, elle ne se contente plus de produire du papier journal. Elle transforme désormais ses fibres de bois en produits révolutionnaires : bioplastiques compostables, isolation thermique écologique et fibres d’hydro-ensemencement. L’entreprise réunit une équipe de 170 passionnés qui travaillent à la pointe de la technologie. C’est sur ces projets novateurs que vous aurez à travailler.

Les origines : l’ère Maclaren

En 1901, la James Maclaren Company construit une usine de pâte mécanique à Buckingham, marquant le début de sa transition du bois scié vers la pâte et le papier. Buckingham et Masson étaient ce qu’on appelait des company towns, où l’entreprise jouait un rôle central dans le développement économique et communautaire.

Un contexte social en transformation

Cette période du début du XXe siècle était marquée par d’importantes transformations dans les relations de travail au Québec et au Canada. Les conditions de travail dans l’industrie forestière étaient difficiles : journées de 11 heures, travail physiquement exigeant, salaires modestes. Ces réalités étaient communes à l’ensemble de l’industrie de l’époque.

 

Sculpture commémorative « ils étaient deux »

1929-1930 : La naissance de Papier Masson

En 1929, la James Maclaren Company décide de construire une papeterie moderne à Masson, reliée par pipeline à la pulperie de Buckingham.

En 1930, deux machines à papier Dominion-Fourdrinier commencent à produire du papier journal de qualité, avec une capacité de 160 000 tonnes métriques annuellement. Un barrage et une centrale hydroélectrique sont également construits pour alimenter les opérations.

Des familles entières s’établissent, construisant leur vie autour du rythme des machines, des quarts de travail, et de la vie communautaire qui s’organise naturellement autour de l’usine.

L’ère moderne : Quand les machines chantent autrement

Les grandes transformations (1980-2006)

En 1982, une révolution technologique transforme la production : on abandonne la pâte au bisulfite à faible rendement pour un procédé à ultra-haut rendement qui utilise 85 % du bois brut au lieu de 50 %.

En 1985, on change les 2 machines à papier pour une nouvelle machine de 8,5 mètres de largeur pour améliorer la qualité et la quantité.

En 2000, l’usine se dote d’une usine de pâte thermomécanique révolutionnaire, la première machine à papier à chaîne unique au monde. La pollution de l’air et de l’eau est réduite de façon spectaculaire. C’est le plus grand procédé de mise en pâte thermomécanique à chaîne unique de la planète.

En mars 2001, record mondial : 2 277 tonnes métriques de pâte en 72 heures, avec un taux de disponibilité de 99,5 %.

2006 : Une nouvelle famille

En décembre 1998, un groupe d’investisseurs privés rachète l’usine et la rebaptise Papier Masson Ltée. En 2006, l’usine rejoint la famille Papiers White Birch, un géant papetier nord-américain qui possède quatre des dix meilleures machines à papier au monde.

Les gens qui font le papier

« Ce ne sont pas les machines qui fabriquent le papier, ce sont les gens qui fabriquent le papier. »

Cette phrase, devenue la devise de Papiers White Birch, résonne avec une vérité particulière à Masson. Ici, certains employés sont de la deuxième ou troisième génération à travailler à l’usine. Des fils ont suivi leurs pères, des petits-fils ont suivi leurs grands-pères. En 2015, l’ancienneté moyenne était de 20 ans. Vingt ans ! Dans un monde où l’on change d’emploi comme de chemise, c’est presque miraculeux.

Il y a quelque chose de tribal, de clanique dans cette fidélité. C’est que Papier Masson n’est pas qu’un employeur. C’est une identité. Quand on demande à quelqu’un de Masson-Angers ce qu’il fait dans la vie, il répond souvent simplement : « Je travaille au moulin. » Pas besoin d’en dire plus. Tout le monde comprend.

Les valeurs sont gravées dans l’acier : sécurité d’abord, toujours. Qualité sans compromis. Efficacité qui respecte l’humain. Développement durable qui honore la forêt. Le travail d’équipe et la collaboration ne sont pas des slogans de motivateurs, ce sont des éléments fondamentaux qui se vivent au quotidien.

L’ancrage dans la communauté gatinoise

Le moulin qui bat au rythme de la ville

Sur le site de 130 hectares, près du confluent des rivières, le grondement constant des machines est devenu la respiration même de ses employés. Quand l’usine tourne, le village vit. Quand elle ralentit, c’est tout un pan de l’économie locale qui retient son souffle.

La révolution des bioproduits : Du papier journal aux matériaux du futur

Le contexte : Une industrie en mutation

Entre 2021 et 2022, trois millions d’exemplaires de quotidiens ont disparu au Canada. Le marché nord-américain du papier journal s’effrite inexorablement face au numérique. Mais en Asie, la demande reste forte avec cinq millions de tonnes consommées annuellement. Papier Masson continue de produire 240 000 tonnes métriques de papier journal par an, exportant une part importante de sa production.

Toutefois, l’usine ne mise pas uniquement sur le papier traditionnel. Depuis quelques années, une transformation majeure est en cours dans les installations quasi centenaires.

L’innovation au cœur de la stratégie

En 2023-2024, Papier Masson a investi dans une ligne de production de bioproduit pour diversifier sa production. Le principe : sécher la pâte PTM pour fabriquer des produits innovateurs écoresponsables

trois applications concrètes déjà en marché pour certaines

  1. L’hydro-ensemencement écologique

Hydro-ensemencement écologique

Le premier produit commercialisé par Papier Masson est une fibre destinée à l’hydro-ensemencement, cette technique qui permet de verdir rapidement de grandes surfaces en pulvérisant un mélange de semence, d’eau, de fertilisant et de fibres qui retiennent l’humidité.

Les fibres produites à Masson présentent plusieurs avantages :

  • Excellente rétention d’eau favorisant la germination
  • Pas de traitement chimique, contrairement à certains produits concurrents
  • Production locale réduisant l’empreinte carbone du transport

L’application la plus visible ? Les talus de l’autoroute 50 entre Gatineau et L’Ange-Gardien, revégétalisés lors des travaux d’élargissement en 2023. Des milliers d’automobilistes passent quotidiennement devant ce « showcase » sans savoir qu’ils admirent un produit 100 % gatinois.

Le marché de l’hydro-ensemencement au Québec est considérable : chaque kilomètre d’autoroute nécessite des tonnes de matériel pour stabiliser et verdir les talus. Les municipalités, le ministère des Transports et les promoteurs immobiliers constituent une clientèle naturelle.

  1. Les bioplastiques : Remplacer le pétrole par la forêt

Le deuxième axe en développement, plus ambitieux, concerne les bioplastiques. Contrairement aux plastiques conventionnels dérivés du pétrole, ces matériaux utilisent des fibres de bois comme matière première.

Bioplastique remplace le pétrole par la forêt !

Les applications potentielles sont vastes :

  • Construction automobile : Panneaux intérieurs, garnitures, pièces non structurelles. L’industrie automobile cherche activement à réduire le poids des véhicules et son empreinte environnementale.
  • Emballage : Contenants alimentaires, emballages protecteurs. Le gouvernement canadien a ajouté les plastiques à usage unique à la liste des substances toxiques, créant une demande massive pour des alternatives.
  • Biens de consommation : Jouets, articles ménagers, produits d’hygiène.
  1. L’isolation thermique nouvelle génération

Le troisième produit, peut-être le plus prometteur à court terme, est un isolant pour le secteur de la construction et de la rénovation domiciliaire.

Les fibres produites à Masson possèdent d’excellentes propriétés isolantes :

  • Coefficient de résistance thermique (valeur R) compétitif avec les isolants traditionnels
  • Excellent régulateur d’humidité, contrairement à la laine minérale
  • Fibre propre sans contaminants, sans poussière à l’application
  • Traitement chimique de la fibre non toxique
  • 100 % compostable en fin de vie

Le marché de l’isolation au Québec est colossal. Avec les nouvelles normes énergétiques de plus en plus strictes et les programmes de subvention pour la rénovation écoénergétique, la demande pour des isolants performants et écologiques explose.

Environnement : Pionniers dans la réduction de pollution

Depuis 2000, l’usine a réduit sa consommation d’eau de 35 % et sa consommation a effet de serre de plus de 75 %, sa consommation électrique de plus de 15 %.

Toutes les fibres sont tracées jusqu’à leur source forestière d’origine, garantissant une gestion durable.

Avenir :

« Être les maîtres de la transformation de fibre de bois en papier journal et en produits biosourcés renouvelables et durables. » Cette vision, portée par la direction, est ambitieuse, mais réaliste.

95 ans et toujours debout

La rivière le Lièvre

Depuis ses débuts en 1930 jusqu’aux innovations de 2024, l’histoire de Papier Masson est celle d’une communauté qui a su s’adapter et évoluer. Une entreprise qui a traversé la Grande Dépression, les transformations technologiques majeures, les changements de propriétaires, et maintenant la révolution numérique, toujours en gardant son ancrage dans la communauté gatinoise.

Aujourd’hui, quand les 170 employés de Papier Masson arrivent au travail, ils perpétuent cette histoire d’excellence et de rigueur qui caractérise l’usine depuis près d’un siècle. Dans leur savoir-faire. Dans leur fierté du travail bien fait. Dans leur engagement envers la qualité et la sécurité.

L’usine continue de tourner sur les rives de la Lièvre. La machine produit un papier reconnu mondialement pour sa qualité. Les innovations vertes ouvrent de nouveaux horizons. Et dans ce bruit familier de la production, on entend l’histoire d’une entreprise qui regarde vers l’avenir tout en honorant son passé.

Bâtir l’équipe de demain

Cette transformation ambitieuse nécessite des leaders techniques exceptionnels. C’est pourquoi Papier Masson s’est associée à CRC-CONSEILS pour recruter un Surintendant Services technique qui sera au cœur de cette nouvelle ère industrielle. Ce poste stratégique nécessite un professionnel passionné par l’innovation, capable de piloter l’amélioration continue et d’accompagner le virage vers la bioraffinerie. De la supervision du contrôle qualité à l’identification de technologies émergentes, ce leader supervisera l’ensemble de la chaîne de valeur dans un contexte d’innovation constante. Si vous êtes motivé par l’idée de réinventer l’industrie des pâtes et papiers, c’est le moment de joindre l’aventure.

Papier Masson n’est plus seulement une papetière traditionnelle. C’est un laboratoire où se réinvente l’industrie forestière québécoise, un acteur majeur de l’économie gatinoise, un employeur qui investit dans ses gens et dans sa communauté. Vivant. Innovant. Tourné vers l’avenir.

Par Charles Reny, CRHA Directeur de pratique exécutive